Gérer les conflits avec la médiation

Résumé
La médiation est un processus structuré dans lequel 2 ou plusieurs parties prises dans un conflit, tentent par elles-mêmes volontairement de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur ».
Le conflit fait parti des relations interpersonnelles et même s’il provoque des émotions négatives, il est dynamique et permet la création de changements nécessaires. S’il n’est pas résolu, il crée une incompréhension et un éloignement entre les individus.
2 fonctionnements créent les conflits : nos constructions mentales qui sont prises pour des réalités et notre éducation basée sur la culpabilité interpersonnelle.
Elle est une démarche avec des règles et principes incontournables, un processus en 4 phases décrite par la roue de Fiutak.
Le médiateur utilise 3 outils importants l’écoute empathique, la reformulation et le questionnement. Mais pour être un bon médiateur, cela requière surtout une connaissance de soi approfondie et une posture incarnée du process même de la médiation.
Introduction
» La médiation est un processus structuré dans lequel 2 ou plusieurs parties prises dans un conflit, tentent par elles-mêmes volontairement de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur ».
Quelque soit sa nature, elle est toujours guidée par un esprit humaniste qui place l’Homme et ses valeurs au dessus de toutes les autres valeurs, mais aussi existentialiste qui donne la primauté à l’existence vécue et individuelle, à la liberté de l’homme à décider lui-même de sa propre existence. Elle favorisera donc la responsabilisation des individus et conservera tout au long du processus une éthique inscrite dans un code de déontologie.
1. Qu'est-ce qu'un conflit?
Le conflit n’est pas perçu comme quelque chose de négatif en médiation. Il peut grâce à la dynamique qu’il crée, générer de la cohésion, de la renégociation, de nouvelles solutions plus efficaces, changer les rapports de force…
Il est fréquent et fait parti de la dynamique des relations interpersonnelles.
Cependant, il peut générer des dégâts, stress, absentéisme, baisse de motivation, dysfonctionnements… S’il n’est pas correctement traité, il peut entrainer d’autres inter-actants ou s’aggraver et entraîner un coût humain et financier plus important (pour l’individu, l’entreprise, la famille…)
Il peut avoir de multiples origines : au niveau de l’individu (émotions, besoins insatisfaits, croyances, …), de l’interrelation (désaccord, compétition, conflits de valeurs,…) , de l’organisation dans l’entreprise (manque de reconnaissance, pouvoir et carrière, difficultés managériales, le partage du travail…), d’un changement dans l’entreprise (plan social, départ d’un leadeur, changement de stratégie,…)
Il génère toujours des émotions négatives dont on ne peut pas se défaire, car on ne peut se défaire de la relation. En effet, pour qu’il y ait conflit, il faut une interdépendance entre les individus (un père et son fils, un employé et son manageur, un cadre et son directeur, un mari et sa femme).
Il crée un état de tension qui renforce une incompréhension de par et d’autre. Ainsi il crée un éloignement entre les individus, leur capacité d’écoute baisse entrainant des reproches divers, des évitements. Une confusion entre le problème et la personne s’installe : il n’y a plus un problème à résoudre mais un ennemi à abattre.
2. Aux origines du conflit
Deux fonctionnements propres à l’individu créent les conflits.
Le premier vient de notre éducation qui s’appuie sur la capacité à nouer des rapports culpabilisant-culpabilisé dans ces liens d’interdépendance . Ce fonctionnement culpabilisateur de la relation est lié à notre besoin de recevoir de l’estime et/ou de l’amour des personnes et/ou groupes que nous avons investi.
Le second est d’ordre cognitif. Notre expérience du monde repose sur des représentations. Le système cognitif va ordonnancer l’ensemble de nos perceptions selon des classes. « Ces classes sont des constructions de l’esprit et appartiennent donc à un ordre de réalité tout à fait autre que celui des objets eux-mêmes. Les classes ne sont pas formées seulement d’après les propriétés physiques des objets mais surtout d’après le sens et la valeur qu’elles ont pour nous. » Une fois l’objet conçu comme membre d’une classe donnée, il est extrêmement difficile de le voir comme appartenant aussi à une autre classe. »
Plus simplement dit, nous nous forgeons des idées sur tout ce que nous vivons, car nous avons besoin de comprendre le monde qui nous entoure. Ces idées nous les considèrerons comme des réalités et non des constructions mentales personnelles, d’où la difficulté de trouver des issues face à un problème car nous resterons prisonnier du cadre dans lequel on a posé ce problème. En psychologie c’est ce qu’on appelle des représentations.
De plus lors de conflit, des émotions intenses vont se manifester que le médiateur va devoir faire identifier et réguler auprès des individus. En effet, celles-ci sont nécessaires non seulement pour comprendre la relation, mais aussi pour mobiliser les individus. Sémantiquement émotion vient du latin motio=mouvement et e=qui vient de, et signifie donc un effet de mouvement provoqué par une excitation extérieure.
3. La médiation
Définition
La médiation permet de renouer un dialogue entre au moins deux personnes qui ne sont plus en capacité actuelle, de se passer d’un tiers pour résoudre un différend qui les oppose. Pour se faire, le médiateur va favoriser une intercompréhension, en offrant et en permettant à chacun de recevoir et de donner une écoute sur la façon dont chacun vit la situation actuelle.
Elle repose sur un postulat qui est que les gens sont (les seuls) compétents pour résoudre leur problème et donc seuls détenteur des solutions à mettre en œuvre.
Principes
La médiation a des principes intangibles.
Equité entre les parties : le médiateur veillera ainsi à la répartition du temps de parole, à créer un espace qui permette une équidistance entre les parties et lui-même.
Liberté de chacun : le médiateur s’assurera de l’engagement libre et éclairé de chacun d’entrer dans ce dispositif et d’y mettre fin à tout moment de la médiation.
Neutralité : en aucun cas, le médiateur ne donne un avis, ne propose de solution, ni ne s’implique dans le conflit.
Impartialité : le médiateur n’a aucun parti pris et il ne se laisse pas contaminer par les émotions du médié.
Indépendance : le médiateur ne doit pas avoir d’intérêt dans le résultat de la médiation, pas d’enjeux personnel ni professionnel.
Des règles claires
La confidentialité : elle permet la libération de la parole. Tous les participants doivent s’y engagés : les médiés et leur(s) conseil(s).
Le respect : la parole est libre mais dans le respect de l’autre. Pas d’attaques personnelles, pas d’injures, ne pas interrompre.
Des avantages
• mettre fin à la souffrance et le stress qui accompagne le conflit.
• trouver une solution adaptée en ayant une compréhension claire de mes besoins et de ceux de l’autre.
• une ‘occasion de faire un apprentissage qui favorisera la résolution d’autres difficultés ultérieures
• un coût faible économique et psychique qu’elle représente pour l’individu et l’entreprise au regarde d’autres solutions aux problèmes (portée l’affaire devant un tribunal, devant le conseil des prudhommes, en thérapie individuelle ou relationnelle, en arrêt de travail, démobilisation passive, rupture du contrat de travail…)
• retrouver une bonne image de soi pour l’individu comme pour l’entreprise.
4. Une démarche
Un temps de pré-médiation
Qui sert au médiateur à identifier :
• tous les acteurs du conflits
• ceux qui doivent participer à la médiation
• la structure du conflit
• le réseau d’interdépendances entre les acteurs visibles et invisibles
• l’organisation dans lequel il intervient
• le lieu de la médiation
• le temps nécessaire à la médiation
Et à informer le mandant et les médiés de ce qu’est la médiation et son processus (règles, son positionnement, objectif) et à obtenir leur engagement.
Aucune médiation ne pourra se faire tant que toutes les parties impliquées ne sont pas d’accord avec ces règles imposées.
Les premiers entretiens
Le médiateur reçoit en individuel chaque partie impliquée ou ou de façon collective (en plénière plus rarement) selon les cas. Il reprécise de nouveau tout le cadre de la médiation et indique le temps dont on dispose.
Le médiateur doit veiller à poursuivre l’installation d’une relation de confiance. Ces entretiens permettent de décharger la forte charge émotionnelle présente dans tout conflit. Il va accueillir le vécu de la personne, comprendre ses ressentis, sa vision de la situation et déjà permettre à la personne de mieux identifier ceux-ci et les comprendre.
Les plénières
Le médiateur doit créer un dialogue en aidant à construire un cadre de référence commun.
Pour créer un espace commun, le médiateur doit permettre aux parties (déjà amorcé en individuel):
• de comprendre l’intérêt de sortir du conflit qui génère souffrance et donc trouver la paix si ce n’est avec l’autre, avec lui-même; retrouver sa dignité atteinte dans le conflit.
• de prendre conscience que j’ai besoin de l’autre pour résoudre mon conflit ( lien d’interdépendance)
• de s’intéresser à la relation plus qu’aux personnes ou aux objets car on est toujours en conflit avec quelqu’un dont on a un intérêt commun
• de parler davantage de ce que vit la personne et moins du litige qui les oppose
• de faire des ancrages sur ce qui a été échangé, en ré-évoquant ce que dit la personne ou en notant sur un tableau
• d’évoquer chacun sa vision du problème
• et de voir ce que l’autre voit; favoriser une histoire commune.
• de trouver des points de convergence avant de traiter les divergences
Plusieurs plénières seront sans doute nécessaires.
Il est possible d’avoir recours à d’autres entretiens individuels pour débloquer une étape lorsque des émotions trop fortes nuisent à l’écoute de l’autre par exemple. Des suspensions de séance permettent aux parties de discuter avec leurs conseils qui peuvent être consultés à tout moment. Le temps du changement est aussi à l’extérieur des séances.
Les différentes phases
Les phases de médiation : la roue de Fiutak
– QUOI? On cherche à créer un point de départ qui est de se mettre d’accord sur le désaccord. On va accueillir comment chacun perçoit le conflit. Distinguer le problème de la personne.
– POURQUOI? On recherche les besoins et les intérêts des parties qui ont contribué au conflit. Il va s’agir de permettre une catharsis du vécu émotionnel, tout en l’inscrivant dans une écoute réciproque et dans un travail d’élaboration des émotions et des représentations. On cherche à construire une narrative commune qui permettra d’arriver à une reconnaissance réciproque des points communs et des points divergents.
– COMMENT? On explore les options, les solutions offrant un bénéfice mutuel. On élargit le champ des possibles.
– COMMENT FINALEMENT? Trouver un accord librement consenti, accepté de part et d’autre, et qui tient compte des besoins de chacun. Celui-ci doit être clair, facile à mettre en œuvre, s’inscrire éventuellement dans un contexte juridique, mais dans tous les cas énoncé précisément (voire rédigé dans un écrit). Il y a une objectivation de la décision.
Parfois peut s’ajouter un suivi post-médiation : une période de transition permettant d’acter la réalisation des engagements, de réajuster si nécessaire, mais elle doit être limitée dans le temps.
5. La posture et les qualités du médiateur
Le médiateur est le garant du processus, il doit maîtriser un savoir-être qui repose sur :
-sa déontologie : il existe un code de déontologie du médiateur qui rappelle les règles de la médiation.
– une posture incarnée : le médiateur, dans tout son être, durant chaque étape de la médiation, est une représentation matérielle et sensible, le symbole de la philosophie et du process de la médiation.
– son humilité : le médiateur ne se positionne pas en expert sachant mais met les médiés dans cette posture. C’est ce qui permettra aussi la responsabilisation des personnes; le développement de leur capacités à observer, identifier et trouver elles-mêmes des solutions à leur problème.
– ses qualités d’animateur : il régule les débats, les temps de parole, l’équité, fait respecter les règles, sait interrompre, donner la parole, relancer un échange, faire des ancrages pour avancer dans le processus, permettre ou rompre un silence au moment opportun…
– sa façon de s’exprimer, son langage doit permettre :
• sa capacité d’adaptation au langage des interlocuteurs ( niveau culture, cadre de référence, degré de connaissance dans un domaine donné…)
• d’être compréhensible en étant court, concis, clair et complet
• de s’adresser précisément à quelqu’un
• de développer son art de la rhétorique (formulation positive, utiliser le « oui et » etc…)
• d’user du langage symbolique
– sa qualité d’écoute, en étant attentif à la fois au langage verbal et non verbal
– son intelligence émotionnelle : c’est à dire ses capacités liées à la reconnaissance et à la gestion des émotions. Il doit savoir identifier, comprendre, exprimer, réguler et utiliser ses propres émotions et celles du medié.
6. 3 outils du médiateur
L'écoute empathique
Faire preuve d’empathie c’est tenter de comprendre ce que l’autre ressent sans se mettre à sa place, ce qu’il comprend de la situation (ses représentations). . Ce type d’écoute nécessite de s’intéresser davantage à ce que la personne vit qu’à son problème ou ce qu’elle dit.
La reformulation
Elle est une technique de communication qui tente de redire ce que vient de dire l’autre mais d’une façon plus claire et concise.
Elle permet à la fois de vérifier notre compréhension de ce que l’autre dit et de l’aider lui à se rencontrer lui-même. Elle précède le questionnement.
Elle nécessite de ne pas avoir d’objectif caché (vérifier une hypothèse personnelle).
Elle est formulée sans position de pouvoir et donc la personne reformulée pourra corriger une approximation ou erreur de celle-ci.
Le questionnement
Il doit permettre de faire avancer la pensée, faire découvrir et formuler les vérités que la personne a en elle.
Du coté du questionné, il sert à repréciser les choses, à se poser de nouvelles questions, à connaître l’objet, à faire récit.
Du côté du questionneur, il sert à comprendre, à explorer.
Il porte sur :
• les faits, les observations « qu’est-ce qu’il a fait ? dit? »
• l’expression des ressentis « qu’est-ce que ça vous a fait? »
• l’identification des besoins » de quoi auriez-vous eu besoin? »
Il existe différents types de questions :
relais, miroirs, répliques et de validation.
Conclusion
Les être humains ont une capacité continue à changer et une volonté absolue de retrouver leur confort. Ils ont les compétences pour résoudre leurs problèmes. Ce qui nous trouble émotionnellement nous trompe intellectuellement.
La médiation permet de développer une intelligence émotionnelle indispensable lorsqu’on travaille avec l’humain et entre humains. Pour permettre un tel travail, l’acquisition de compétences et d’outils dans la gestion des émotions est indispensable mais insuffisante. Cela nécessite que le médiateur ait une capacité à gérer ses propres émotions et pour cela bien se connaître. Ainsi, un bon médiateur comme tout intervenant dans les sciences humaines sera forgé non seulement à partir des connaissances construites dans ses formations diverses, qu’il sera bon de multiplier (en psychologie clinique, sociale, cognitive, en communication, en systémie, en sociologie, en psychosociologie, en philosophie, en ressources humaines…), mais aussi sur ses expériences personnelles et professionnelles, et enfin sur ses capacités introspectives. Il est pour moi indispensable d’avoir cette observation méthodique de sa vie intérieure (ressentis, idées, croyances…) pour bien maîtriser ses émotions et idées préconçues et en faire un outil de travail, lorsque l’ouvrage est l’humain.